Plaisir solitaire

21:37


Marcher seule la nuit. Pas durant la "vraie" nuit, seulement en début de soirée. Quand les magasins descendent peu à peu leur rideau métallique et que les restaurants bruissent des derniers gestes d'attente (une nappe que l'on remet en place, un balai que l'on passe dans l'entrée...).

Pas n'importe où non plus. A Paris. La ville est encore si vivante le soir que l'on peut s'aventurer à la seule lumière des éclairages publics sans craindre de voir surgir un chat noir du moindre brin d'ombre.

Quand les touristes font la queue pour se faire crier dessus chez Chartier, quand les working bobos en sont déjà à leur 3ème bière HH (Happy Hours, ou comment te saouler vite fait bien fait à moindre frais), quand les amoureux se retrouvent au petit jap' chinois du coin, la ville est à moi. 
Je l'arpente d'un pas alerte et décidé.
Passé une certaine heure, il ne fait plus bon flâner. C'est l'hiver je te le rappelle. Le rythme du marcheur olympique est la seule chose qui s'interpose entre toi et l'hypothermie. Bien, qu'inévitablement, la phase hamman fasse parler d'elle en fin de parcours. Alors, le marcheur citadin se voit, subtilement, mais réellement acquérir les indispensables de la panoplie du marcheur alpin : polaire, textiles respirants, gants-mouffles, chaussettes surtout-pas-en-laine-ça-fait-transpirer-et-pis-ça-gratte...

Marcher nuitamment pour découvrir et éprouver la ville sans foule à affronter, sans flux de piétons anarchiques. Sans coups de sacs, de coudes, de genoux, d'enfants, de chiens, de trottinettes, de valises, de ballons Mic*ey qui essaient de prendre l'escalator.

Et seule. Surtout seule. Pour être égoïste. C'est un plaisir inestimable que de pouvoir avancer à son rythme, changer de trottoir quand sa curiosité le décide. Sans oublier une chose toute bête, mais si précieuse et reposante : le silence. Ne pas parler, ne pas écouter, ne pas répondre. Se laisser porter par ses pensées.

Finir par traverser la Seine. Là, je m'arrête. Je la regarde dans les yeux et je lui dit  "Tu vois, j'y suis ! Et je suis bien contente qu'il en soit ainsi." Oui, la femme immobile aux joues rouges de froid qui, souvent, sourit toute seule en direction des bateaux mouches, c'est moi. 

Quel lien avec une salade de carottes ? Le plaisir. J'avais envie de cru. Les clémentines se sont d'elles-mêmes jetées dans mes mains ; elles ne supportaient sans doute pas l'idée d'être séparées des carottes. L'improvisation a fait le reste.

Salade carottes et clémentines

Pour 1 personne

1 grosse carotte (ou 2 petites)
2 petites clémentines
4 dattes
huile de sésame
feuilles de menthe
graines de sésame
sel

Laver, peler et râper la carotte. Déposer dans une assiette. Peler les clémentines et ajouter les quartiers. 
Dénoyauter les dattes et les couper grossièrement.Ciseler finement quelques feuilles de menthe et ajouter le tout à l'assiette.


Assaisonner la salade selon son goût avec de l'huile et des graines de sésame, et un peu de sel.


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17 commentaires

  1. Alléchante note orientalisante après les déambulations parisiennes. Paris est pas mal non plus douceur des décibels et marche au gré de son envie très tôt le matin. En particulier le week-end où elle ne s'éveille pas n'en déplaise à Dutronc à 5h.
    J'ai des souvenirs de balade as a lonesom cowgirl qui n'a que ses jambes pour fidèle monture de calme lunaire, baume au coeur et aux oreilles après une soirée prolongée en nuit blanche où tout sono y compris avait été poussé au-delà du raisonnable.

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  2. Je me demandais ce que ce titre osé (serais je la seule à avoir l'esprit tordu?) présageait avant de comprendre que le plus beau des plaisirs était de toute manière l'évasion, le décrochage, quel qu'il soit! Envie d'ailleurs, et face aux Pyrénées dans le Roussillon je vais m'empresser de cueillir les mandarines et les kakis qui me rappellent que l'hiver peut être loin quand le soleil est dans l'assiette...

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  3. Tu m'as transporté avec ton histoire qui se termine sur ce dont j'ai beaucoup envie en ce moment, des choses crues et colorées... Merci !

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  4. ah la grande éclairée me manque et la lecture de tes pérégrinations n'arrange rien.
    "C'est beau une ville la nuit" disait le poète B...
    Celle-ci est tellement entière et satisfaite.

    flâner jusqu'à plus respirer que le son du silence, tu sais celui qu'on remarque au bout d'un laps de temps, parce qu'il murmure à l'oreille : "je t'accompagne"

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  5. Merci pour là belle balade, la fin est savoureuse. Bonnes soirées à venir !

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  6. Marcher a Paris, pas sure d'y arriver, mais me préparer égoïstement si mignonne salade, ça oui ! Tofu soyeux me pardonnera sans doute l'infidélité ;)

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  7. Sympa l'association carottes et clémentines!

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  8. Nathalie : j'apprécie aussi beaucoup de sortir tôt le matin, on peut faire de belles rencontres (la livraison du bois chez le boulanger par exemple). Mais je suis souvent bien trop pressée pour en profiter réellement. Le rythme de fin de journée est, pour moi, plus apaisé.

    Noémie : je te rassure, nous sommes au moins deux à avoir un esprit taquin. Mon choix de titre tendancieux était volontaire. J'aime bien jouer avec les sens. :)

    Mlle Pigut & Ika : très contente de vous compter parmi mes compagnes de rêverie !

    Lune : je connais bien ce silence réconfortant. Il se fait désirer, il lui faut du temps pour se montrer. Mais, une fois qu'il est là, on ne veut plus le quitter tant il est accueillant.

    Mathilda : beaucoup de villes peuvent se prêter à la promenade. Ma première déambulation hasardeuse a eu lieu dans le ch'nord. Depuis, je prends plaisir à découvrir les lieux en les laissant me guider.

    Gen : comme souvent, j'ai un peu hésité. Puis finalement, la double ration de vitamines a eu raison de ma résistance. ^^

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  9. Très belles photos, sobres, épurées, qui mettent parfaitement en valeur les couleurs acidulées de cette salade...

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  10. Les joues rougies par le froid en regardant la Seine dans le silence de début de soirée... eh bien ça te réussit à merveille je dirais... Ta salade a tout d'un attrape coeur, ou d'un réchauffe coeur, bref en un mot elle me plaît!! ;-)
    Raw power même j'dirais! à bientôt la marcheuse des bords de Seine... tu devrais venir à Marseille un de ces quatre, on a aussi une assez grande étendue d'eau et le silence (relatif, "vos gueules les mouettes") :-D

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  11. Toujours une plaisir de te lire et de découvrir de belles impros..

    jolie salade, jolies photos... Ça ne me dérangera plus des moments de solitude avec un plat comme celui la...

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  12. Ton texte me fait penser que depuis que depuis que j'habite dans le 20ème et que je travaille à Boulogne, je profite moins de ses aspects-là de Paris. J'espère que cela changera bientôt ! Ta salade est superbe, j'adore ce genre mettre des agrumes dans mes salades :-)

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  13. Belle histoire et jolie association. Je te pique l'a recette.

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  14. J'ai peur de la nuit et j'adore les salades de carottes auxquelles on rajoute un brin d'acidité et une touche de sucré. Si à l'occasion, tu tombes sur de la mélasse de grenade, c'est une merveille avec les carottes et un jus d'orange...

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  15. Chris : ton petit mot me touche particulièrement, je commence à moins détester mon appareil photo...

    Zazazsu : "Raw power"... j'adooore ! Si tu permets, je crois bien que je vais te piquer l'expression pour créer une nouvelle rubrique sur le blog. :)
    J'aime aussi faire le coup du regard pénétrant à la mer, surtout version hivernale, mais elle s'obstine à ne pas venir dans les terres.

    B. Wak : tu as une bonne intuition, ce billet est du 120% impro. Merci pour tes gentils petits mots. :)

    Coralie : c'est sûr, Boulogne-20ème, il n'y qu'un jour de grève totale (tiens, ça fait longtemps d'ailleurs...) qu'on peut le tenter à pied. Le truc, c'est de semer un peu de métro sur ton trajet : le prendre pour 5-6 stations, puis finir à pied.

    Loïc : je te laisse me la voler avec plaisir. Je pense même que tu sauras l'agrémenter avantageusement.

    "pose" gourmande : il faut bien une petite dose quotidienne de couleurs pour affronter le moral gris. :)

    Artichaut et cerise noir : j'ai en effet entendu parler de la mélasse de grenade, mais je ne l'ai encore jamais rencontrée. Je vais suivre ton conseil et essayer d'en trouver.

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  16. J'ai essayé avec des oranges agrémentés de raisins secs, d'un peu d'huile d'olive, de jus de citron et c'est un délice! Ton idée est chouette aussi à essayer! Viens vite visiter mon blog je suis aussi végétarienne :)

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