J'embrasse pas

21:44


Un matin comme les autres, entre bouts de sommeil accrochés comme de la brume et angoisses de ce qui m'attend. Les phases bien huilées s'enchaînent : douche, hydratation, tenue de camouflage, alimentation, re-hydratation, ravalement de façade... Soudain, mon attention est attirée par les soubresauts tout aussi compulsifs qu'inattendus de mon téléphone qui, s'il continue sur ce rythme, va bien réussir à effectuer un joli vol-plané depuis le haut de la commode. Je le sauve in extremis, lui évitant ainsi une fin fort douloureuse, et tente de comprendre ce qui le met dans un tel état.
...
Mince, flûte, crotte... 
De mon seul œil valide (le petit suicidaire matinal m'a interrompu en pleine séance de pose de lentilles), je le devine. Hélas. Venant de nulle part, caché derrière un SMS aux intonations sibyllines, surgit de nulle part un fantôme noir.

Gérard is back

Mince, flûte, cr... pardon, je me répète. L'émotion sans doute.

L'idée d'arguer d'une non-réception de SMS me passe par la tête, suivie de près par l'envie de laisser libre-cours à ma réplique la plus cinglante.

Rien de cela pourtant.

C'est que, nous avons affaire là à un spécimen particulier, qui se manœuvre avec précaution. Car au fond, tout collant, lourd, pénible, peu fiable et blessant qu'il puisse être, le Gérard parvient toujours à raviver la petite flamme de compassion cachée au fin fond de ton cœur de femme qui en a (de la compassion, justement ^^).
De plus, cela fait un bail que je ne suis pas allée au resto, moi ! Je possède une belle liste d'adresses à tester.

Ni une, ni deux, je réponds. Laconique, neutre, factuelle. La boussole bien orientée sur le Nord.
RDV dans quelques jours dans une des dernières places to be où il fait bon traîner ses papilles de blogueuse culinaire avertie.

Les jours passent. Quelques échanges de SMS viennent confirmer l'arrangement.
Ce qui est bien, c'est que la perspective de ces "retrouvailles" aussi inattendues qu'incompréhensibles, me laisse froide. Et perpendiculaire. Et froide. Et totalement perplexe !!! Que me veut-il ?
Je peux te l'avouer à toi, ma curiosité dévorante est l'unique moteur de mon action.
Euh non, pas l'unique. le bon resto lui fait de l'ombre... Toujours garder la boussole en poche.

Bon an, mal an, le D-Day arrive.

H-1, mon téléphone est encore la victime innocente d'une crise d’apoplexie. Le Môssieur m'explique qu'il est tout confus et désolée, mais qu'il ne pourra pas venir parce que grand-maman lui a fait des madeleines. Qu'on n'a qu'à remettre ça à une autre fois. "Bises".

Vais-je m'effondrer, pleurer, hurler de désespoir face au mirage de mon excellent repas qui se dissipe bien vite ?

Ben non. Au contraire, un sourire franc se dessine sur mes lèvres. Je termine tranquillement ma séance de sport. Avec devant moi la perspective d'une très chouette soirée en tête-à-tête avec moi-même.
Ma réponse est donc toute trouvée et rapidement tapotée : "OK. Bises". 
Non. Pas de bises. Parce que moi, tu vois, j'embrasse pas les gars comme toi !

Pour m'en assurer et ne risquer aucun dérapage fortuit, j'ai même mis au point une potion magique. Au goût subtil et à l'efficacité immédiate. Effet 48h garanti. L'ajo blanco (pour être honnête, je n'ai rien inventé du tout, je me suis contentée de piller le patrimoine culinaire ibérique).
Cette ruse digne des plus grandes héroïnes de Salem suffira-t-elle à maintenir Gérard hors de ma zone de survie ? Tu le sauras dans le prochain épisode... si prochain épisode il y a !


Ajo blanco




Pour 4 personnes

150 de mie de pain
150 g d'amandes mondées 
30 cl d'eau
25 cl de lait d'amandes
10 cl d'huile d'olives
4 gousses d'ail

La veille, disposer la mie de pain, les gousses d'ail pelées et grossièrement hachées et la lait dans un récipient. Fermer hermétiquement et réserver toute la nuit au frais.



Le lendemain, disposer ce mélange dans le bol d'un robot. Ajouter l'eau et les amandes. Lancer le robot et ajouter peu à peu l'huile d'olive. La consistance finale doit être proche de celle d'un velouté.
L'ajo blanco se dégustant bien frais, il est préférable de le remettre une petite heure au moins au réfrigérateur.

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13 commentaires

  1. arrf ces hommes qui reviennent... Et notre curiosité!
    L'ajo blanco tombe a pic pour moi. J'ai besoin de tenir de mauvaises bebetes loin de moi... J'te dirais si ça a marché!

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  2. J'ai raté un RDV hier celui avec un de mes meilleurs souvenirs culinaires d'Andalousie. Ceci entre ramage et breuvage (passé minuit si on me donne à boire je puise à La Fontaine) j'estime avoir fait le bon choix;-) A propos de l'ail lors de ma prime et folle jeunesse alors que ma fantaisie s'exprimait plus dans les murder parties et autres GN qu'aux fourneaux il me prit l'envie de réaliser sur mes plaques de chambre de bonne une recette repérée dans ELLe d'ail confit au chocolat et à la grenadine pour égayer une murder party autour d'un vampire. Et pour plusieurs participants de cette mémorable après-midi je fus cataloguée comme déviante/allumée/fêlée/cinglée non pas pour avoir passé 4 heures dans la peau d'une fillette medium mais pour avoir suivi la recette d'un chef étoilé sublimant l'ail en friandise !

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  3. Ah oui, notre curiosité envers les revirements de le gente masculine nous égare parfois...mais peut aussi mener à de belles retrouvailles (expérience personnelle)...si le prince est intrinsèquement charmant j'entends, pas si c'est un goujat of course...bref...
    Tu as bien fait de mettre le couvert toute seule j'ai l'impression et ton ajo blanco ! très beau ! je vais le tenter...je pense que dans mon cas il va plutôt attirer mon chéri que le repousser !...les mystères de la magie ?...ou la saveur de l'ail plutôt !!
    Courage pour la suite !

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  4. Oh ? Il a osé le bougre ? Manque pas de toupet ce Gérard là...
    Bon, tant que ton estomac garde le dessus sur ton coeur, fonce. Faut pas rechigner sur une bonne bouffe :)
    Et puis si ça se trouve, tu vas le trouver pathétique, ce serait encore mieux du coup :)

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  5. By the way, photos toujours aussi belles, chapeau bas...
    Je n'ose même pas imaginer ce que ça va donner avec le bridge...

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  6. je ne dirais qu'une chose: petit malapris!! En tout cas, toi tu sais vivre!! ;)

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  7. Mouahaha, sacré Gérard ! En attendant, tes photos sont splendides (encore :)) !

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  8. Mwarf! Heureusement que Gerard avait "madeleines" sinon on n'aurait pas eu droit a cette merveille, haha! Enfin ca a l'air super bon!

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  9. Hi hi j'adore la technique de l'ajo blanco...non seulement ça repousse les indésirables mais en plus, ça nous fait une bonne raison de le déguster sans culpabiliser puisque c'est pour la bonne cause :)
    Personnellement, je n'ai pas d'indésirable à repousser (enfin je crois pas) mais je veux bien en manger quand-même de l'ajo blanco, surtout que je suis curieuse de savoir le goût que ça a.

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  10. Manque pas de toupet celui là!
    Jpréfère largement ton ajo blanco, non mais!

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  11. Bwak : la curiosité, c'est ce qui fait avancer le monde. Et encore plus la cuisine !

    Nathalie : l'ail a toujours une réputation sulfureuse, et ses amateurs passent bien souvent pour de grands allumés.
    Au fait, as-tu toujours cette recette délirante ?

    Zazouille : l'ail est un bon testeur d'affinités. Soit on aime, soit on déteste. ça permet de faire le tri. :)

    L'Ano : Arf, THe bridge ! Il est arrivé à destination, il n'attend plus que moi... Je pense qu'il va ma falloir un certain temps d'adaptation. C'est que j'ai l'habitude d'appuyer sur un seul bouton moi pour faire des photos !!

    Ambroisie : Oui, oui, je ne me laisse pas dépérir. ^^

    Julhya : Oh, merci. :)
    Les photos, c'est ma grande angoise. Avec celle de la page blanche aussi. Heureusement que j'ai toujours des idées de recette en tête, sinon ce blog ne serait qu'une énorme crise d'angoisse ! ^^

    Mlle Pigut : Petit révélation éditoriale : c'est parce que j'avais cette recette sous le coude que j'ai narré cette petite histoire. L'ail m'a inspirée...

    Chris : le goût est fin et piquant. Et assez variable suivant la puissance des aulx utilisés, la saveur de l'huile d'olive... Les plus endurants peuvent aussi ajouter du vinaigre.

    Gen : on ne peut rien espérer de mieux d'un "Gérard". Qui me donne ainsi une bonne dose d'inspiration. :)

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  12. Belle recette pour accompagner mon plaisir de revenir te lire !

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  13. C'était donc une potion magique ? Histoire d'exiler un peu plus celui qui s'enfuyait déjà... Tu as une sacrée force de caractère, car parfois la chair est faible... J'ai apprécié la rencontre et l'ajo blanco, une version plus douce que d'habitude, mais tu avais sans doute besoin de douceur :)

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